Regardez-moi

À la rencontre de son enfant intérieur

« Maman, Papa, regardez ! »

Un enfant se construit dans le regard de l’autre. Tout d’abord dans le regard de sa mère, puis dans celui de son père. La qualité de ce regard s’inscrit à tout jamais comme une empreinte, non seulement dans le psychisme de l’enfant, mais aussi dans sa mémoire cellulaire. Ce regard et son jugement intrinsèque construisent l’enfant, qui, une fois devenu adulte les projette à son tour sur le monde qui l’entoure.
– « Quand je dois parler en public, je me sens ridicule et je n’arrive plus à sortir un mot ».
– « Quand l’on me demande quelque chose, c’est plus fort que moi, il faut que je fasse le contraire ».
– « Parfois je suis pris(e) d’angoisse, et je perds tous mes moyens ».

Qui n’a pas connu ces moments, où « ça agit en nous », malgré nous et en dépit de toutes nos capacités et de notre raisonnement ? Les exemples sont innombrables, très variés, et pourtant ils ont un facteur commun : nous ne « maîtrisons » plus rien, nous avons le sentiment « d’agir comme un gamin ».

Et c’est exactement cela ! A un moment donné, c’est l’enfant blessé en nous qui prend le dessus, et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Rien ? Si ! Un regard qui le considère et reconnaît son besoin, l’apaise. Car chaque fois que le gamin en nous prend le dessus, il a besoin de réparer quelque chose, d’être entendu, considéré, accueilli. La situation que nous venons de vivre en tant qu’adulte nous ramène à une situation difficile de notre enfance qui a figé l’enfant que nous étions dans son processus de maturation psychique. Notre cerveau a mémorisé tous les facteurs qui accompagnaient cette situation. Dès qu’un ou plusieurs de ces facteurs sont présents, l’inconscient appelle l’enfant au premier plan pour qu’il puisse terminer son développement psychique !

Que faire alors avec cet enfant en nous, qui trépigne et réclame son dû, qui est terriblement handicapant et inadapté aux exigences de la vie adulte ?

Il s’agit de reconnaître l’enfant et d’identifier son besoin. Puis, le rassurer et l’accompagner. Apprendre à discerner, à confronter « la réalité » à ce qu’il vit maintenant.

Pour cela, il est utile de retracer les phases principales du développement psycho-affectif de l’enfant. C’est à dire les phases de maturation psychique pendant lesquelles l’enfant construit son identité et sa capacité à entrer dans une relation affective et sociale :

Pendant la première année de son existence, un bébé a besoin de continuité. De continuité de lien et de présence. Il a besoin d’être regardé car il ne sait pas encore qu’il existe, et c’est dans le regard de l’autre et à son contact qu’il se sent exister. Il a besoin d’être touché de façon adaptée, d’être tenu et porté pour se sentir en sécurité et pour construire son unité corporelle. La qualité du regard, de la présence et de la relation des personnes qui l’entourent détermineront sa façon d’être dans son corps et dans sa relation à l’autre. Cette première année correspond à la phase de construction de l’altérité, du moi et du non-moi.

À partir de la deuxième année, un enfant construit son identité et la maitrise de ses fonctions corporelles. Il se vit désormais comme ayant une action sur l’autre. C’est le moment où il apprend les limites et un premier comportement social. C’est l’époque du développement moteur et du « NON ! ». La qualité de regard des personnes autour de lui façonnera l’image qu’il a de lui même, déterminera le respect qu’il se portera et qu’il portera aux autres, son droit d’exister, la confiance qu’il aura en son corps et en ses capacités à aller dans le monde pour obtenir et faire ce qu’il souhaite.

À partir de trois ans, l’enfant découvre qu’il est un petit garçon ou une petite fille et que ce n’est pas du tout la même chose. Il apprend la différence des sexes et des générations, sa place dans la famille. Une fille a besoin de pouvoir s’identifier à sa maman de façon positive, d’avoir son autorisation d’aller vers papa, de se sentir reconnue par lui dans sa capacité de séduction tout en se sentant en sécurité. Un garçon a besoin que sa mère le libère de leur relation fusionnelle et d’être intégré au monde des hommes par son père, pour pouvoir revenir, plus tard vers sa mère en tant que petit homme, sans que cela la (ou le) mette en danger. La qualité du couple parental joue un rôle fondamental car elle sert de modèle à l’enfant. La façon dont il pourra s’identifier au parent du même sexe et se sentir reconnu et en sécurité dans son identité sexuée par le parent du sexe opposé détermineront sa capacité d’épanouissement d’homme ou de femme.

Quelque part, il existe un « référentiel » dans notre inconscient qui tient à l’épanouissement de l’être, tel un arbre qui détient dans ces gènes l’information de sa taille potentielle et met tout en place pour y parvenir.

Quand l’enfant en nous arrive sur le devant de la scène et réclame son dû, cela signifie que l’inconscient se connecte à la blessure initiale pour pouvoir la réparer. Car selon le fonctionnement neuro-biologique, c’est seulement à partir de cet endroit que la « réparation psychique » peut avoir lieu. C’est en se « reconnectant » exactement au même endroit, c’est-à-dire dans une situation vécue comme semblable, qu’une transformation psycho-biologique peut s’opérer car les composants sensoriels et émotionnels y sont alors réunis. Si une situation vécue comme anodine par quelqu’un d’autre peut nous mettre dans « tous nos états », c’est que notre inconscient l’associe à une situation difficile de notre enfance, afin de pouvoir oeuvrer à partir de ce traumatisme initial.

Il s’agit donc d’aller à la rencontre de cet enfant blessé et d’identifier ce qui se passe, c’est à dire, à quelle situation blessante initiale notre enfant intérieur est renvoyé, et quelle émotion il vit. Plus nous arrivons à accueillir l’émotion qui n’a pas pu s’exprimer à ce moment-là, à reconnaître le besoin véritable associé, plus rapidement nous avons de nouveau accès à nos capacités d’adulte. C’est comme si l’adulte que nous sommes prenait en charge et reconnaissait l’enfant blessé en nous. De cette façon nous nous positionnons en tant que « parent bienveillant » vis-à-vis de notre enfant intérieur. Fait de façon systématique, ceci permet à l’enfant intérieur de continuer son processus de maturation et de « grandir » au niveau psychique.

Lorsque nous sentons, par exemple, que nous perdons nos moyens quand nous voulons parler en public, il s’agit d’identifier le ressenti exact et à quel âge nous avons éprouvé ce ressenti.

– « Je me sens ridicule, et j’ai le sentiment d’avoir huit ans ».
– Quand j’avais huit ans, à quel moment je me suis senti ridicule ? ».

En s’adressant de cette façon à l’inconscient, celui-ci va révéler cette situation où, à l’âge de huit ans, pendant que je jouais le spectacle de fin d’année, mes frères m’ont totalement ridiculisé. Je peux accueillir l’émotion associée, identifier le besoin d’être reconnu(e) et d’être protégé par mes parents contre le dénigrement de mes frères. Je peux repositionner leur réaction (leur jalousie parce que j’étais le « chouchou » de mon père, leur sentiment d’être délaissé par lui). Je peux inviter mon enfant intérieur à sortir de ce regard ridiculisant et m’en « dés-identifier ». A chaque fois que je me sens ridicule, je fais le même travail de « dés-identification ». Ma partie adulte va s’adresser à mon enfant intérieur, le rassurer, le reconnaitre et confronter ce ressenti infantile à la situation réelle. Et donc à de me poser la question : Y-a-t-il lieu objectivement de me sentir ridicule aujourd’hui dans cette situation précise ?

De même, si je suis incapable de répondre à une demande posée par un autre, il serait intéressant de m’interroger : quelle demande a été insupportable dans mon enfance ? De qui venait-elle ?

Ou bien, si je suis pris dans mes angoisses, à quelle angoisse précise celle-ci renvoie-t-elle ? Et quelle personne m’a transmis cette angoisse ?

En continuant à prendre en charge mon enfant intérieur, je lui permet de s’affranchir du regard initial blessant et d’inscrire dans mon psychisme une expérience positive. Confronté à nouveau à une situation semblable, je garderai alors mes capacités d’adulte même si mon enfant intérieur réagit. Avec le temps, quand la maturation psychique aura pu s’opérer, ces ressentis ne seront plus qu’un lointain souvenir.

Un travail en psychothérapie peut aider à acquérir cette capacité à accompagner son enfant intérieur.

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